Les compétences techniques actuelles vont devenir obsolètes : il faudra les acquérir puis les oublier pour en développer de nouvelles, et cela à un rythme croissant.
La révolution technologique en cours est une évolution majeure. Elle tranche par son ampleur, la vitesse à laquelle elle se met en place et l’impact des changements qu’elle engendre avec les révolutions industrielles précédentes. Une de ses conséquences prédominantes est l’accélération sans précédent de l’obsolescence des compétences.
Tous les métiers sont touchés. Certains disparaissent, de nouveaux émergent, mais tous subissent un bouleversement profond nécessitant l’apprentissage continu de nouvelles techniques et la mise en oeuvre de nouvelles pratiques. Et cette dynamique devrait perdurer. Comment alors, en de telles circonstances, construire une carrière professionnelle ?
Une vision holistique
Le modèle traditionnel de la carrière linéaire, fondée sur une formation technique solide obtenue à l’issue de l’enseignement supérieur et sur laquelle on pouvait se reposer toute sa vie, a fait long feu. Comme l’indique le dernier rapport « The Future of Job du World Economic Forum en 2023 », nous allons vivre un changement sans précédent : d’une part, du fait de l’accélération de l’automatisation des tâches administratives – près de la moitié seront concernées -, d’autre part, en raison de l’impact de la technologie digitale et de la mise en oeuvre de la transition environnementale qui modifiera en profondeur le contenu des métiers.
De plus en plus, les nouvelles formes de travail reposent sur des responsabilités collectives partagées qui nécessitent la diffusion de l’information et de nombreuses interactions entre différents acteurs, y compris avec l’assistant-machine. La capacité à communiquer, à identifier et à transmettre l’information pertinente devient une compétence clé à tous les niveaux. Tout cela implique un bon niveau de culture générale pour avoir une vision holistique et une capacité à communiquer efficacement tant à l’écrit qu’à l’oral.
La force du manager
Bien évidemment, l’accélération de l’évolution des métiers exige une capacité à apprendre rapidement. La formation de base doit désormais se concentrer sur deux objectifs : fournir les connaissances fondamentales pour faciliter un apprentissage continu et doter les apprenants de la capacité à apprendre, réapprendre et à désapprendre ce qui est devenu superflu ou accessoire.
Enfin, l’irruption de l‘intelligence artificielle dans le domaine professionnel vient tout bouleverser. Avec elle, plus que jamais, connaissances et savoir sont accessibles à tous, livrés sous une forme prête à consommer. Encore faut-il toutefois que ces systèmes d’aide à la décision s’appuient sur des connaissances fiables, soient pertinents et n’égarent pas l’utilisateur dans des labyrinthes et des voies sans issue.
Plus que la connaissance, ce sont l’esprit critique, la concentration, la capacité à gérer la complexité, à s’adapter et à identifier les solutions les plus pertinentes et le discernement qui feront demain la force d’un manager. Si les compétences techniques demeurent, bien sûr, importantes pour construire une carrière, son moteur résidera dans les « soft skills » qui deviendront les « hard skills » de demain.
Par Léon Laulusa, doyen de l’ESCP Business School
Les echos